Mgr Georges (Khodr), prêtre orthodoxe, patriote arabe et ami de l’islam
Le nom de Georges Khodr (جورج خضر) demeure indissociablement lié à la renaissance culturelle et spirituelle du christianisme arabe, inscrite dans la dynamique plus large de la libération nationale et civilisationnelle du monde arabe.
Véritable colonne vivante de ce renouveau, son influence a largement dépassé les frontières de son Église orthodoxe pour marquer profondément d’autres Églises arabes — qu’il s’agisse des Grecs catholiques melkites, des Maronites, des Latins, des Coptes, des Syriaques ou encore des Protestants.
Né à Tripoli, au Liban, le 6 juillet 1923, Georges Khodr entame d’abord des études juridiques (il exercera un temps la profession d’avocat), avant d’opérer un tournant décisif vers la théologie. Il poursuit alors sa formation au sein de l’Institut théologique orthodoxe Saint-Serge, à Paris. Sa thèse, consacrée à la “Notion du Peuple de Dieu dans l’Ancien Testament”, témoigne déjà de son souci de l’articulation entre foi et histoire, révélation et destin collectif.
Ordonné prêtre en 1954, il devient en 1970 métropolite du diocèse de Byblos et Botrys, au Mont-Liban, charge qu’il assumera jusqu’en 2018. Parallèlement à ses responsabilités ecclésiales, il mène une intense activité intellectuelle et académique. Il enseigne notamment la théologie pastorale et l’islamologie à l’Institut Saint-Jean-Damascène de Balamand (1978-1993), ainsi que la civilisation arabe à l’Université libanaise. Il fut également président de la Commission théologique du Conseil des Églises du Moyen-Orient (1967-1982), et responsable du Comité des relations œcuméniques au Patriarcat d’Antioche jusqu’en 2007.
Mais pour plusieurs générations d’Arabes chrétiens, Mgr Georges Khodr est avant tout la figure tutélaire du Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe (MJO), qu’il contribua à fonder en 1942. Élu à plusieurs reprises à des responsabilités au sein du Mouvement, il en fut le secrétaire général jusqu’en 1970, et dirigea la revue En-Nour (La Lumière), véritable laboratoire spirituel et intellectuel du renouveau chrétien arabe.
Le MJO représente l’une des expériences les plus originales dans l’histoire contemporaine du christianisme orthodoxe au sein de la nation arabe. Il incarne une forme de théologie de la libération à la manière arabe, que l’on pourrait rapprocher, par bien des aspects, des courants latino-américains du même nom : l’idée que la réforme de l’Église ne peut être dissociée de l’aspiration à la justice sociale, que le renouvellement des institutions religieuses doit être lié à la lutte contre la pauvreté, les souffrances, les exclusions — qu’elles touchent des communautés chrétiennes ou musulmanes.
Dans les années 1960 et 1970, cet engagement socio-spirituel s’inscrit en résonance avec les luttes populaires au Liban et avec le combat de la résistance palestinienne, perçu comme un enjeu moral et politique d’envergure régionale.
Aujourd’hui, Mgr Georges Khodr a 101 ans.
Il demeure, à travers son œuvre, sa parole et ses engagements, l’un des phares vivants d’une spiritualité arabe profondément ancrée dans la dignité humaine, l’universalité des combats pour la justice, et la foi incarnée dans l’histoire.